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Psychothérapie Corporelle

Qu'est-ce que la psychothérapie corporelle ?

Pour répondre à cette question, le plus simple est que je donne la parole à la personne qui m'a formé à la psychothérapie corporelle, en l'occurence William F. Cornell. Vous trouverez donc ci-dessous une interview publiée en 2008 par TA Press. Elle est extraite d'un ouvrage intitulé : ' Explorations en Analyse transactionnelle, The Meech Lake Papers' et en constitue l'essentiel du chapitre 12:' Pourquoi la psychothérapie corporelle ?' L'interviewer est Michael Landaiche III, un universitaire américain.

Pour ce qui me concerne, j'utilise la psychothérapie corporelle, comme une méthode, un outil pouvant intervenir au cours d'une thérapie.

ML : Ton travail comme psychothérapeute a été influencé par plusieurs écoles de pensée sensiblement divergentes n’est-ce pas ?

WFC : J’ai étudié la psychologie phénoménologique pendant mes études supérieures, laquelle a une base très fortement philosophique. C’est après cela que j’ai commencé ma formation en analyse transactionnelle. J’avais lu Berne et Reich au lycée et à l’université. Je pensais que Berne était un psychanalyste de sensibilité phénoménologique. Lois Johnson était ma formatrice en clinique de l’AT. Elle et moi nous nous formions à un programme néo-reichien, le Radix, à une époque où l’on pensait que formateurs et élèves pouvaient gérer intelligemment plus d’un rôle dans leurs relations. J’ai écrit en 1975 mon premier article pour le TAJ essayant de lier la théorie reichienne de l’armure caractérielle avec le modèle de la structure de second ordre de l’Enfant de Fanita English. J’ai écrit des années durant sur les relations entre l’AT et les théories centrées sur le corps et formé dans plusieurs types de travail sur le corps, ce qui est central dans ma pratique aujourd’hui. Au cours des 10 dernières années, j’ai été principalement influencé par les psychanalystes contemporains- en étant en thérapie personnelle, en supervision et en formation avec eux. Je lis régulièrement les écrits des psychanalystes contemporains et j’ai eu l’opportunité de connaître un certain nombre d’entre eux personnellement. Cela a eu une influence énorme sur ma pratique. Mais je ne considère pas que je pratique moi-même la psychanalyse.

ML : Quand je parle avec toi de ton travail et quand je lis tes écrits, il y a cependant quelque chose qui unit ta pratique et ton enseignement.

WFC : C’est mon expérience. Je ne pense pas que je pratique de façon éclectique.

[…]

WFC : C’est la raison pour laquelle je pense que travailler avec le corps est tellement important. Tellement de choses de notre organisation psychologique, de notre expérience de faire un tout viennent de notre sensation physique d’être au monde.

ML : J’ai beaucoup de questions sur ce que signifie « travailler avec le corps ». Comme thérapeute, j’ai seulement travaillé au plan verbal ; mais je suis très attentif au corps, aux expériences des « tripes », aux réactions du corps et à ses changements pour moi-même et pour mes clients. Je pense que les représentations mentales émergent des expériences du corps, des expériences émotionnelles. Je pense que nos corps sont le premier chemin permettant d’entrer en relation avec les autres, spécialement ceux qui sont les plus importants pour nous. Je ne me considère cependant pas comme un psychothérapeute corporel.

WFC : Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec toi. La façon dont tu parles de ton travail correspond exactement à, la manière dont les psychothérapeutes corporels pensent et écrivent.

ML : Mais toucher mes clients ne fait pas partie de mon travail. Et si le terme « psychothérapie corporelle » a un sens distinct de « psychothérapie », un contact direct avec le corps doit faire partie du travail ou du moins être une option. Je ne pense pas que cela soit suffisant de prendre le corps en considération ou d’y faire référence.

BC : Je pense que c’est exact. Les psychothérapeutes corporels sont formés à utiliser autant leurs yeux que leurs oreilles et les mains sont considérées comme une extension des yeux, comme un autre moyen de collecter des informations. La plupart des psychothérapeutes corporels sont formés à faire quelque chose avec leurs mains notamment bien que leurs interventions ne consistent pas toujours à les utiliser. Nous pouvons suggérer à nos clients d’essayer de ressentir des choses dans leur propre corps par des mouvements ou leur propre ressenti ou de faire porter leur conscience sur différentes parties du corps. Il y a probablement plus à apprendre par la pratique des thérapies corporelles que par les approches traditionnelles, plus cognitives.

ML : Il y a dans cette approche quelque chose de directif, d’actif qui je pense diffère des thérapies « verbales » standards.

BC : Je suis d’accord. Il y a un risque en psychothérapie corporelle que le thérapeute dirige te fasse de trop.

ML : Je pense que la psychothérapie corporelle offre un plus grand champ thérapeutique.

BC : Que veux-tu dire ?

ML : Hé bien, les gens viennent à nous pour qu’on les aide. Nous apportons cette aide sous la forme de psychothérapie et une technique peut être un contact direct avec le corps ou sa conscience.

BC : C’est exact. Je pense à ce dont chacun de mes clients a besoin puisque je peux travailler avec différentes techniques en fonction de leurs besoins. Pour moi, c’est de la psychothérapie que je parle, que je travaille avec mes mains ou que je pose des questions pour susciter des associations à un rêve. Je ne travaille pas toujours directement avec le corps, même si, pratiquement toujours, je pense ou je ressens en termes corporels. Je suis d’abord et avant tout un psychothérapeute.

ML : Bien comment définirais-tu la psychothérapie ? Cela me semblerait essentiel pour définir ensuite la psychothérapie corporelle.

BC : C’est difficile de définir la psychothérapie de manière concise. Je pense que l’objectif est de développer les capacités des personnes à être en relation avec elles-mêmes et avec les autres de manière différente, d’avoir un plus grand accès aux niveaux de l’expérience et de l’organisation inconscientes et d’expérimenter des états internes conflictuels et émotionnels. L’objet de la psychothérapie est d’approfondir nos capacités vis-à-vis de nos impulsions sexuelles et agressives, de comprendre la sexualité et nos expériences somatiques comme des fonctions créatrices et productrices. Sur le plan interpersonnel, la psychothérapie est destinée notre capacité à pénétrer plus profondément et plus pleinement dans l’expérience des autres sans pour autant perdre notre propre route, à encourager l’engagement dans des relations qui servent des voies ou des fonctions passionnantes et à développer des relations qui peuvent accueillir et accepter les différences et les conflits.

ML : Et donc la psychothérapie corporelle recherche ces résultats en mettant l’accent sur les processus corporels ?

BC : Toute psychothérapie digne de ce nom, je pense, combine les objectifs que j’ai mentionnés tant sur le plan personnel qu’interpersonnel. La thérapie corporelle ajoute l’élément qui consiste à prêter une attention plus systématique aux processus et aux expériences du corps en tant que partie de l’organisation psychologique primaire de la personne. C’est une perception consciente de nos corps comme sources importantes d’expérience et de compréhension de soi.

ML : (…) N’y a-t-il pas des moments où la thérapie corporelle n’est pas utile ?

BC : Pour les débutants, au fil des ans je suis parvenu à la conclusion que la psychothérapie corporelle n’est pas une bonne idée si le psychothérapeute n’est pas déjà bien formé en psychothérapie – je ne parle pas d’une simple formation en travail corporel. Je veux dire formé à travailler avec le corps comme support d’objectifs thérapeutiques. Il y a aussi de nombreuses fois où mettre l’accent sur le corps n’est pas utile pour tel client dans un moment particulier de sa thérapie - même si je pense qu’il est toujours juste que le thérapeute se demande ce qui se passe dans le corps de son client.

[…]

ML : Pour quelles autres raisons pourriez vous ne pas utiliser le travail corporel comme élément d’une psychothérapie ?

BC : Cela peut paraître paradoxal mais je n’utilise pas mes mains avec les clients qui recherchent avnt tout un confort physique et du maternage. Et je dis cela tout en sachant combien le toucher est important dans notre vie. Mais je pense que ce type de toucher peut être contre-productif pour la psychothérapie.

ML : Pourquoi cela ?

BC : Parce que lorsque le client est ainsi conforté par le psychothérapeute, cela réduit son besoin et sa capacité de s’explorer lui-même. Cela fait passer la relation thérapeutique d’un mode de défi et d’exploration à un mode de maternage et d’apaisement- qui peut guérir par certains cotés mais n’est pas un apprentissage. Aux clients qui demandent un travail corporel parce qu’ils souhaitent être touchés d’une manière maternante, je suggère qu’ils travaillent avec un bon thérapeute faisant des massages ou avec quelqu’un qui fasse du travail corporel avec un autre objectif en tête. Je ne dis pas que toucher de façon maternante est mauvais. Simplement ce n’est pas la fonction première d’un contrat de psychothérapie. La fonction première du toucher en psychothérapie et très certainement dans la psychothérapie centrée sur le corps, c’est de faire comprendre au client et au thérapeute ce qui se passe dans le corps et ce que cela signifie. Toucher peut soulager ou corriger mais ce n’est pas sa fonction première.

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